Un jour, il y a cinq ans, le brief est tombé. Camille et Briac vont devoir plancher pour créer un rhum de dégustation pour le compte du groupe Moët-Hennessy. Diplomatico et Don Papa ont ouvert la voie, c’est bien, mais là, il faut être différent, pertinent et au moins aussi désirable. Un défi, une ambition, et une aventure.

Rencontre avec Camille de Dominicis, cofondatrice du rhum Eminente, au bar speakeasy de la Casa Eminente, impasse de Guéménée à Paris.

Comment avez-vous démarré l’aventure du rhum Eminente ?

Avec Briac, nous étions déjà chez Moët-Hennessy. Et puis, un peu comme dans un start-up studio, des patrons de Moët-Hennessy nous ont approché pour nous proposer de travailler sur la création d’une nouvelle marque de rhum de dégustation.

C’était une proposition unique, car Moët-Hennessy n’est pas connu pour créer des marques de zéro. Nous avons accepté et nous avons travaillé comme des entrepreneurs, et passionnément pour créer ce rhum. Nous n’avions rien d’autre que ce brief au démarrage.

Nous avons décidé de nous rendre à Cuba, et la guilde des maîtres rhumiers (maestros roneros) nous a présenté deux maestros. Parmi eux se trouvait Cesar Marti, plus jeune maestro ronero avec qui nous avons eu un coup de foudre. Jeune, talentueux, très technique, il nous a scotché. Il avait en tête de recréer le goût historique du rhum avant l’industrialisation que Cuba a connu sur ce secteur. Nous n’avons pas hésité une seconde, nous le savions, c’était avec lui que nous voulions créer notre rhum.

Et puis tout s’est enchaîné assez naturellement. La distillerie que nous visitions était à Santo Domingo, dans la province de Villa Clara, région reculée des sentiers touristique, à quatre heures de La Havane, au coeur d’une île que nous ne connaissions pas sous ces traits : très sauvage, très verte, très végétale, un lieu qui ne triche pas, où la nature est puissante. C’est alors qu’on entend des locaux que l’île est surnommée l’île des crocodiles, justement parce qu’ils prolifèrent sur ce territoire méconnu, et parce que c’est un clin d’oeil à la forme de l’île, qui représente un crocodile. Alors, le crocodile est devenu notre symbole, le symbole d’une île, d’un pays, et d’un territoire isolé, le nôtre.

Nous avons alors signé un contrat d’approvisionnement avec notre partenaire Cubain, Cuba Ron.

Et c’est l’agence Stranger et Stranger qui, comme pour Don Papa, a réalisé notre bouteille. Nous leur avons ouvert la porte du groupe, et depuis, d’autres marques s’y sont engouffrées !

Quelle est votre vision produit pour le rhum Eminente ?

Nous voulions dès le départ un rhum de dégustation. Mais un rhum de dégustation accessible, abordable à tous les palais. Pas un rhum de dégustation élitiste ou extrémiste. Un rhum très bien fait, bien structuré et équilibré, avec de la matière. Et nous avons beaucoup travaillé le produit avec Cesar bien sûr, mais aussi avec un comité de dégustation de Moët-Hennessy.

Et il y a eu une évidence. Celle d’assembler bien plus d’aguardientes que de rhum « fresco ». Le rhum fresco donne le « kick », il est « alcooleux », fort, assez neutre en goût (94°), intéressant pour une base cocktail. Et l’aguardiente est très aromatique, gras, rond, avec des notes de camomille. Nous avons décidé d’assembler notre rhum avec 70% d’aguardientes avec 30% de rhum fresco, alors qu’habituellement nous trouvons des rhums cubains avec 10 à 15% d’aguardientes dans l’assemblage. Cela fait une très forte différence, et c’est aujourd’hui notre signature.

Enfin, notre mélasse est magnifique (Camille nous montre un pot de mélasse noire et épaisse à la Casa Eminente), à forte teneur en sucre est exceptionnelle et nous n’ajoutons que 6 à 8 grammes de sucre par litre. Cela aussi est un vrai point fort de différenciation quand certains poussent à plusieurs dizaines de grammes par litre.

Comment se caractérise la gamme des rhums Eminente ?

Aujourd’hui, notre gamme est composée de deux produits :

Eminente Reserva, vieilli 7 ans et qui titre à 41,3%, qui est composé de rhums que nous sommes historiquement allés sélectionner dans les stocks existant. C’est notre star, la référence de notre marque.

Et nous avons aussi développé un rhum spécifiquement pour les barmen et les cocktails, vieilli 3 ans, qui s’appelle Ambar Claro. Un ambré, couleur paille, très agréable et aromatique.

Ce sont des rhums qui ont un style hispanique, en un peu plus léger et plus dynamique. et qui piochent les meilleurs rhums de l’est et de l’ouest de l’île. Des rhums gourmands et unanimes, destinés à passer de bons moments.

De nouvelles créations, tournées vers un assemblage à plus forte teneur en aguardiente vont par ailleurs arriver dans les prochains mois. Surprise !

Alors, êtes-vous une start-up ou un grand groupe ?

Nous sommes de vrais intrapreneurs. Bien sûr, nous avons une hiérarchie dans le groupe Moët-Hennessy, avec un reporting direct au directeur des spiritueux du groupe (hors Hennessy) ainsi qu’au président de Rhum Enterprise, filiale de Moët-Hennessy qui détient Eminente. Mais nous sommes une petite équipe, nous fonctionnons comme une start-up en interne, et la confiance est totale.

Nous avons une vision, et aujourd’hui nous sommes suivis dans le déploiement de cette vision. Lorsque que nous pensons que pour émerger, il faut une approche très différente que d’investir dans les médias classiques, nous sommes écoutés. C’est grâce à cela que nous avons ouvert la Casa Eminente. C’est un centre de coût même si nous vendons des repas, des cocktails et des privatisations. Les retombées sont dingues, l’expérience est vraie, sincère et unique. C’est une différence de taille avec des investissements classiques.

Cela fait déjà cinq ans que nous travaillons pour Eminente, sur toutes les phases : l’idéation, la concrétisation, et maintenant le déploiement, en France et à l’étranger. C’est une aventure formidablement riche et complète.

Voici un article inspirant et illustré sur la Casa Eminente dans Do It in Paris ainsi qu’un autre article paru chez nos amis de Distilnews. Ouvert jusqu’en juillet 2023.