By les 2 co-présidents, Joseph de Maistre et Francis Audiot
Menetou-Salon, carrefour géologique entre la Sologne et le Sancerrois
Messieurs, faites-nous voyager à Menetou-Salon. Où sommes-nous? Quel est le paysage?
Notre petite région en plein centre de la France est un beau paysage de campagne vallonnée, dont la densité est peu élevée. C’est d’ailleurs un carrefour géologique entre la Sologne à quelques kilomètres au nord, les grandes cultures berrichonnes, le Sancerrois, et la région des grands vergers.
Mais s’il fallait expliciter le profil du lieu, on pourrait parler de champagne berrichonne, qui est une zone de vastes cultures.
Et ce qui est remarquable, c’est que des vignerons sont aussi céréaliers !
Souvent, nos clients s’émerveillent en venant dans notre région. Nous nous sentons souvent privilégiés.
Précisez les particularités et les contours de l’appellation Menetou-Salon?
L’appellation Menetou-Salon est une toute petite appellation dont les sols sont très argileux, très calcaires, et sans silex.
Elle compte 600 ha en production, et a un potentiel de 400 ha additionnels pour se développer.
Mais pour ne rien cacher, il y a une petite marche en ce moment. Les ventes se tendent un peu, donc on ouvre peu de nouvelles cultures. On a réduit cette année la croissance des nouvelles terres dédiées à la plantation.
C’est aussi intéressant de remarquer que notre voisin le plus proche, le Sancerre, est un territoire plus vaste, composé de 3000 ha plantés, et malheureusement pour ainsi dire, il n’y a plus rien à planter.
A Menetou-Salon, on a une dynamique parce qu’on peut étendre nos plantations, mais on est prudent.
Quels sont les cépages dominants à Menetou-Salon?
C’est très simple chez nous. Il y a deux cépages dans le Ménetou : le sauvignon en blanc d’une part et le pinot noir en rouge; dans la répartition suivante : ⅔ de sauvignon, ⅓ de pinot noir.
Combien de viticulteurs travaillent sur l’Appellation?
Il y a 85 viticulteurs déclarants, dont 65 metteurs en marché. La grande majorité vend en direct, mais certains encore vendent en raisin.
Y’a-t-il une coopérative ou bien chacun produit et commercialise ses propres vins?
Jusqu’en 1991, tout le monde apportait à la coopérative. Mais je crois qu’on peut dire que les dirigeants de l’époque sont partis avec l’argent et cela fut une catastrophe. Tout le monde se retrouva avec du vin à vendre.
La coopérative a alors disparu, et si, sur le moment, ce fut un choc, cet événement s’est révélé hyper positif. Les vignerons ont commencé à vendre directement, quelques vignerons sont aussi devenus des négociants. Chacun a gagné son indépendance et a essaimé ses vins partout en France, surtout dans le Nord et dans quelques pays du monde, rendant l’appellation plus dynamique et mieux découverte.
Les viticulteurs se sentent-ils Menetou-saloniens, ou préfèrent-ils dire qu’ils sont de Sancerre?
Disons que l’unité se cherche. Il y a une génération historique, qui s’amenuise et qui était probablement un peu plus récalcitrante à une unité, et des jeunes arrivants qui font bouger les lignes.
Mais il faut penser cette unité dans une perspective historique. En effet, le vignoble est jeune. Il n’y avait que 120 ha dans les années 1980. Ce qu’on voit aujourd’hui comme évolution est vraiment positif.
On pourrait dire aujourd’hui qu’on ne se prend pas par la main, mais qu’on a le souhait de tendre vers plus de collectif.
Quelles sont les 5 raisons principales pour lesquelles Menetou-Salon a le vent en poupe ?
- La mort de la coopérative, qui a permis de valoriser l’appellation. Tous les vignerons ont dû se débrouiller. Ils ont trouvé par eux-mêmes de beaux débouchés et ont été de vrais ambassadeurs de l’appellation.
- Nous avons de petites surfaces, c’est facteur d’une certaine rareté. Donc dès qu’il y a un peu de désirabilité, de demande, et bien on peut se trouver dans une situation où il n’y a pas assez d’offres.
- Le laboratoire oenologique. Notre laboratoire donne de nombreux conseils aux vignerons. Entre autres grâce à lui, nous avons beaucoup progressé dans le travail du sol. On maîtrise les rendements. On valorise les vignes.
- La consommation de vins va moins vers des “bordeaux tanniques”. Il y a la recherche de vins plus “légers”, plus faciles à boire, des vins désaltérants. C’est ce que nous proposons.
- Un terroir adapté au réchauffement climatique, et un climat propice au sauvignon. Malgré la hausse des températures, notre climat n’est pas trop chaud.
Menetou-Salon, des vins de convivialité et de partage
Pouvez-vous décrire les vins de Menetou-Salon ?
Nos vins, c’est la fraîcheur et la tension.
Ce sont des vrais vins de convivialité et de partage avec une trame acide mais désaltérante. On peut les ouvrir très facilement.
Par exemple, on a des blancs superbes en apéritifs et les rouges se marient très bien sur les grillades. Il y a de la légèreté, de la finesse, de la rondeur, mais aussi de la concentration. Les tannins sont soyeux. Des vins ronds, sur le fruit. On observe même des arômes de fleur, de pêche blanche, d’agrume léger ou de fruits rouges.
Est-ce à dire que tous les vins sont pareils?
Non, il peut y avoir différentes parcelles, donc différents goûts.
On pourrait aller vers des cuvées de lieux-dits. Ex: le lieu-dit Coquin ou le Clos Coquin, comme les climats en Bourgogne.
C’est un travail vers lequel nous tendons, qui intéresse de plus en plus de vignerons qui connaissent bien leurs parcelles et les vins qu’elles produisent.
Ainsi, nous pourrions dire qu’il y a eu trois étapes en quelques sortes dans la jeune histoire de nos vins : l’étape de la collectivité via la coopérative avec un vin assez standardisé ; l’étape des “domaines”, où chaque vigneron produisait et vendait son propre vin, et nous allons vers une étape de parcellisation des vins pour faire apparaître la qualité des particularités de nos propres terroirs.
Quelle est votre vision de la commercialisation ?
Nous produisons environ 35 hectolitres par récolte pleine. Mais cela peut varier de 20 à 36 hectolitres.
On a la chance de vendre tout, à 90% sur le territoire français : Paris, le Centre et le Nord de la France absorbent environ 32 hectolitres, c’est du coup un peu décevant de ne pas pouvoir aller développer le sud de la France, ni l’étranger, mais on n’aurait probablement pas assez de vin.
Avez-vous un rendez-vous phare pour l’appellation Menetou-Salon ?
Oui ! 25 caves sont ouvertes au grand public en libre accès du 31 juillet au 2 août 2021. Il y a des dégustation de vins et cela fait 35 ans que ça marche du tonnerre !
Comment aimeriez-vous qu’on parle de Menetou-Salon dans 10 ans ?
Comme de “La nouvelle bourgogne”.
60% des vignerons sont en conversion bio. Nous avons le plus gros ratio de surface en bio.… Et dans 10 ans, ce sera un vignoble 100% bio. Nous sommes avant-gardistes.