Nous avons eu la chance d’échanger avec Anaïs Josserand, propriétaire de la Cave ô papilles à Lyon, une caviste engagée et passionnée par l’histoire du vin et ses cépages oubliés…
Qu’est-ce qui vous passionne dans le vin ?
AJ : C’est sa diversité qui m’intéresse, à la fois la richesse des terroirs et la multitude des vins proposés. C’est aussi le contact avec un produit nature, et la découverte des vignobles.
Comment êtes-vous devenue caviste ?
AJ : Depuis le départ, dans toutes mes études, j’avais l’idée de faire ma carrière dans le monde du vin. Après un BTS viticulture & œnologie, et un diplôme d’ingénieur viti-vinicole, j’ai d’abord travaillé en production dans plusieurs vignobles, en Ardèche, dans la Vallée du Rhône et en Champagne, puis un peu par hasard, je me suis retrouvé à faire de la vente, face aux clients donc, dans un caveau de cave coopérative. Ca m’a beaucoup plu, j’ai réédité l’expérience, en diversifiant les activités, avec notamment des animations de stand dans les salons, ce qui est venu renforcer et confirmer mon amour pour le contact client. J’ai ensuite trouvé un emploi dans une cave, puis une seconde, et j’ai finalement décidé de m’installer comme caviste indépendant.
« J’aimerais qu’on arrive à parler plus du vin, et en mieux ! »
Comment avez-vous choisi votre cave ?
AJ : L’opportunité s’est présentée ! J’étais installée sur Lyon avec mon compagnon, je voulais voler de mes propres ailes mais je ne me sentais pas encore prête pour tout créer de A à Z ; nous avons donc cherché une cave existante disponible et c’est comme ça que je me suis retrouvée à la tête de la Cave Ô Papilles.
Quelles sont les particularités de votre cave ?
AJ : Je ne propose que des vins français, en majorité des petits producteurs qui travaillent en bio ou en biodynamie, avec un accent sur les vins locaux, comme les Coteaux du Lyonnais et les Beaujolais, et également un focus sur les cépages oubliés ; je travaille notamment avec des vignerons qui œuvrent pour “réveiller” et faire connaître ces cépages, comme la Verdesse (blanc) en Isère, le Persan (rouge), la Dureza (qui est un cépage parent de la Syrah) en Ardèche, et la Raisaine (également en Ardèche).
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de caviste ?
AJ : 2 aspects en particulier ! C’est d’abord la recherche, la découverte de nouveaux vins et ce qu’ils racontent ; je m’intéresse beaucoup à l’histoire dans son ensemble, celle de la France, de ses territoires, de ses régions, et particulièrement celle de ses vins et de ses cépages.
Ensuite, c’est le partage, faire découvrir de belles réussites gustatives, raconter comment je les ai trouvées ; mes clients sont heureux d’avoir des infos sur l’histoire de la filière et sur les produits qu’ils dégustent.
Une anecdote avec un client qui vous aurait marqué ?
AJ : J’ai un client, un lyonnais, très fan de la Vallée du Rhône, et qui n’était pas intéressé par le Beaujolais ; j’ai voulu relever le défi de lui faire aimer, je l’ai conseillé, il a goûté, et il a trouvé certains vins très intéressants. Et depuis, il m’a en quelque sorte renvoyé l’ascenseur : en participant à un trail, il a rencontré un coureur pro qui a monté un domaine dans le Beaujolais ; il est revenu à la cave pour me faire goûter le vin !
Le plus beau, c’est que cet irréductible de la Vallée du Rhône est devenu depuis un grand amateur de vins du Beaujolais !
« C’est intéressant, pour ne pas dire essentiel, de savoir ce qui se passe à la vigne et de découvrir de nouvelles méthodes. »
Quelles sont vos relations avec les vignerons ?
AJ : J’essaye de leur rendre visite régulièrement mais il y a une problématique de temps, je suis limitée à 4 à 5 visites dans les vignobles par an. Je profite beaucoup des salons pro, particulièrement à Lyon, qui me permettent de rencontrer les viticulteurs beaucoup plus facilement, ce qui est évidemment très important pour faire des sélections et trouver les produits les plus pertinents pour les clients.
Je m’intéresse beaucoup aux nouvelles tendances, et j’apprends beaucoup de choses au contact des producteurs concernés. J’échange notamment en ce moment avec un vigneron qui s’est lancé dans l’agroforesterie, qui consiste à optimiser la culture de la vigne, notamment à l’aide des arbres, en (re)créant un environnement favorable.
C’est intéressant, pour ne pas dire essentiel, de savoir ce qui se passe à la vigne et de découvrir de nouvelles méthodes.
Dites-nous en un peu plus sur vous : quel est le livre ou le film qui vous a marqué dernièrement ?
AJ : C’est une bande dessinée, la série Châteaux Bordeaux, que j’ai trouvé extraordinaire ; je rattrape mon retard en ce moment, il y a pas mal de tomes, c’est vraiment top.
Avez-vous un coup de cœur ou un nouveau vin dont vous voudriez parler ?
AJ : Oui ! Un vin de pays de l’Ardèche, en rouge, à base de Dureza, au sud de l’Ardèche précisément, à côté des Cévennes, travaillé par un couple qui a la volonté de préserver la diversité des cépages et l’historique de leur région. Ils se contentent d’utiliser ce qui existe ou a pu exister dans le coin, en l’occurrence la Dureza, qui était très répandue au XIXème siècle, et qui a pratiquement disparu avec les deux guerres mondiales. C’est très intéressant, avec une touche de poivre en final, et avec un aspect beaucoup plus fin, moins puissant que la Syrah, mais malgré tout avec une belle profondeur.
Où vous voyez-vous dans 5 ans ?
AJ : Toujours à la cave, à continuer la recherche de cépages oubliés, remis sur le devant de la scène par des vignerons passionnés !
Et côté spiritueux, j’aimerais me spécialiser un peu plus sur les français, les whiskys notamment, il y a plein de distilleries très intéressantes qui se montent et j’espère pouvoir développer plus cet aspect là de ma gamme.
Un dernier mot ?
AJ : J’aimerais qu’on arrive à parler plus du vin, et en mieux ! Notre pays est encensé pour ses terroirs et ses vins, mais les gouvernements successifs ont mis des barrières à n’en plus finir vis-à-vis de ce merveilleux produit (concernant la prévention de l’alcoolisme surtout).
Ouvrir cette discussion permettrait sûrement de mieux apprécier le bon vin, de recentrer sa consommation sur le plaisir gustatif avant tout (et évidemment pas dans l’idée de se rendre malade en le consommant dans l’excès), d’évoquer les problématiques liées au SO2 (dioxyde de soufre, utilisé pour la vinification), et de faire évoluer un peu plus les choses.
Merci beaucoup à Anaïs pour ce très bel échange. Toutes les infos sur la Cave Ô Papilles sont ici. Et pour vous y rendre, c’est par là.
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