Nichée au coeur du 14eme, la cave Volatiles offre une sélection pointue et éclectique de vins biodynamiques et natures.
Bonjour Lucas, je te laisse nous parler un peu de toi et ce qui t’as mené au métier de caviste.
Je m’appelle Lucas Gurgui, j’ai 32 ans, je suis le fondateur de la cave Volatiles depuis 1 an et demi, en association avec mon frère. Lui a déjà les 2 pieds dans la sommellerie depuis bien 10ans et m’aide beaucoup aujourd’hui à faire la sélection de la cave et à effectuer les achats.
Pour ma part c’est une reconversion pure et dure, je travaillais avant dans la comptabilité, et après 10 ans passés derrière les bureaux, et le COVID étant passé par là, je me suis demandé si j’avais envie de faire ça toute ma vie.
L’idée d’ouvrir une cave à vin m’est alors venue à l’esprt. En tant qu’amateur convaincu de certaines références présentées par mon frère, et par le fait que j’en consommais de manières régulière, l’accès au monde du vin m’a été beaucoup plus facile.
Je me suis aussi alors formé en passant le WSET 1, 2 et 3 pour parfaire mes connaissances, surtout au niveau des vins étrangers.
Même si aujourd’hui, pour faire la sélection il n’y a pas de mystère, il faut se déplacer dans le vignoble, rencontrer les vignerons, et goûter leurs vins. Tout simplement.
Dans ta cave on retrouve une grande majorité de vins biodynamiques et natures, tu as toujours été amateur de ce type de vin ?
Quand j’ai commencé à boire du vin, un peu comme tout le monde j’ai débuté par le conventionnel, surtout par le biais de mes parents qui consommaient ce type de vin. J’ai donc appris avec les appellations, les cépages… des choses plus classiques et traditionnelles disons.
Il y’a 10 ans à Paris il n’était pas facile de boire du vin nature. Même en France de manière général. On trouvait des vins avec beaucoup de défauts. Quand mon frère m’a initié aux vins natures et que je les ai gouté pour la première fois, pour moi ce n’était pas du vin, il y avait vraiment de tout et n’importe quoi.
Mais de fil en aiguille, je me suis ouvert de plus en plus à ce type de vins, et certains vignerons ont fait de mieux en mieux.
C’est là où j’ai complètement basculé, et où il m’est devenu quasiment impossible de repasser de l’autre coté. Quand on a gouté à ces vins dits “naturels” avec aucun intrant, peu ou pas de soufre ajouté, c’est très compliqué de reconsommer des vins dits « conventionnels ».
Tout ça pour dire qu’ouvrir une cave à vins bio, biodynamiques et natures, pour moi ça à été une évidence.
Quand on va dans les vignes et qu’on voit la différence entre celui qui pratique la biodynamie et celui qui ne la pratique pas, on comprend tout de suite pourquoi le vin est meilleur dans ce sens là que dans un autre.
Ma cave est donc composée à minimum de vins “bio”, mais je dirai qu’il y a 80% de vins dit “naturels”.
Entre ton frère et toi, qui était persuadé des vins natures le premier ?
C’est clairement lui qui en était convaincu avant moi. Je me souviens encore de cette petite confrontation entre frères où lui me disait que je ne comprenais rien au vin parce que je ne buvais que des choses très classiques et que lui buvait déjà des vins natures, bien avant que ca ne devienne quelque chose de connu.
Il était persuadé de la qualité de ces vins dès le début, et c’est là où il a eu du flair.
Pour développer un peu plus sur lui, mon frère est actuellement chef sommelier dans le restaurant Le Mermoz à Paris 8eme.
C’est donc lui qui s’occupe de la sélection des vins, et c’est pour ça qu’il m’aide aussi à faire la sélection pour ma cave.
C’est une affaire familiale, et comme s’entend bien, on trouve ça normal de faire les choses comme ça. On est frères, on a la même passion, tout va bien pour l’instant haha.
Surtout que maintenant on est d’accord sur les vins ! Même si ça ne nous empêche pas de reboire des vins plus conventionnels avec nos parents, ça fait du bien aussi de retourner aux basiques de temps en temps.
Il y a énormément de vignerons qui n’ont pas la certification bio mais pour qui c’est une évidence de travailler proprement à la vigne et de limiter les adjonctions de soufre. Evidemment que chez ces gens là les vins sont d’une qualité irréprochable malgré l’absence de labels.
En parlant des vignerons, est-ce que tu vois chez certains un changement au niveau de la manière de traiter les vignes et de faire du vin, ou alors est ce que ceux qui travaillaient “proprement” le font depuis le début ?
Il y a énormément de changements, le vin en France évolue très vite.
Il y a de plus en plus de jeunes qui s’installent à leur compte, surtout dans des régions qui ne sont pas encore très connues et où le foncier n’est pas encore trop cher. Un bon nombre d’entres eux, et ça depuis 3-5 ans, on cette philosophie de travailler en nature et limiter l’adjonction de soufre.
L’enjeu majeur est de parvenir à tout de même protéger les vins pour qu’il n’y ai pas de risque à l’export, car c’est tout de même un gros enjeux financier pour les domaines.
Le vin nature est maintenant bien installé dans les grandes villes, et particulièrement à Paris. Est ce que à vouloir absolument suivre cette tendance on produit des vins avec plus de défauts que de qualités ?
Bien installé à Paris… Sur la rive droite surtout ! Sur la rive gauche ça traine encore un petit peu, et c’est pour ça qu’on essaye de faire bouger les choses dans le sud de Paris, notamment dans le 14eme.
Même si il y’a des institutions qui sont là depuis plusieurs années, en général et par rapport au nombre d’habitants au kilomètre carré, la rive gauche est un peu en retard sur la rive droite.
Mais pour revenir à la question, il y a “nature” et “nature”, il faut faire attention à ça. Les vignerons qui travaillent proprement ça se compte un peu sur les doigts d’une main. Il faut les connaitre.
Il y’a effectivement pas mal de domaines qui veulent surfer sur cette vague là. On voit même certains grands châteaux bordelais qui disent “faire une cuvée nature” parce qu’ils ne mettent pas de soufre, alors qu’ils ne communiquent pas sur ce qui se passe à la vigne ou ailleurs.
Il faut donc faire le tri, ne pas se laisser influencer par les étiquettes parce qu’elles sont jolies, où parce que le nom est rigolo. Comme je le disais au début : Il faut goûter.
En tout cas pour nous, professionnels. Sinon pour des particuliers il faut faire confiance à son caviste, qui normalement a fait le travail en amont.
Goûter le vin et se faire son propre avis c’est indispensable.
Au niveau des consommateurs, et depuis que tu t’es installé en tant que caviste, est ce que toi tu vois une différence sur la manière de consommer ?
Alors oui on peut voir une évolution, surtout dans le 14eme; j’ai des clients qui rentrent en me disant “Surtout pas de vins natures, ça sent la ferme, c’est du vernis à ongles…”
Je peux comprendre qu’il y ai eu certaines mauvaises expériences chez des clients, ça arrive évidemment.
Du coup pour palier à ça je ne leur dis rien, je leurs vends une bouteille, et j’attends. Généralement ils reviennent ⅔ jours après en me disant que le vin était bon, et c’est là que je leur avoue que c’était un vin nature haha
Il faut arriver à sortir de ces préjugés là, même si ces défauts ont pu exister par le passé et qu’ils existent toujours chez des vignerons, il faut faire le tri et faire confiance à son caviste.
Il y a toujours une clientèle réticente à cette démarche là, et pour ces personnes là il faut parfois ruser un peu pour leur faire gouter les vins 😉
Pour terminer, pourrais tu me présenter 3 cuvées; une pour le néophyte, une cuvée qui sort de l’ordinaire, et une qui faut avoir gouter une fois dans sa vie ?
Sur une première approche dite de vin nature, il y’a un vigneron avec qui je travaille depuis ses début en 2020, c’est Etienne Seignovert, un jeune vigneron ardéchois, qui fait une cuvée appelée “Gentil monstre”.
L’Ardèche est connue pour arborer des cépages comme la syrah, qui rentre dans la composition de cette cuvée là, mais que le vigneron assemble aussi avec un peu de merlot, chose très peu commune dans la région.
On va retrouver dans cet assemblage des notes de fruits noirs, très légèrement lardés, un peu faisandés, que la syrah apporte, mais surtout des fruits noirs plus acidulés comme le cassis, la myrtille. Un vin avec beaucoup de fraîcheur et d’acidité.
C’est une cuvée vinifiée totalement de manière naturelle et sans soufre ajouté. Un vrai vin de plaisir à boire en toute circonstance.
Pour le 2eme vin, je vais te parler d’un vin blanc de macération très funky, que j’aime beaucoup parce qu’il représente un peu le nom de ma cave “Volatile”, qui fait référence à l’acidité volatile qui peut être présente dans certains vins.
C’est donc la cuvée “Ginna Club” de Leïla Pailhès, une vigneronne qui fait du négoce dans le Gers, une région qui m’est cher car mon grand père y vit. Pour cette cuvée, elle vinifie l’ugni blanc, cépage plutôt utilisé pour faire faire du cognac ou de l’armagnac.
Leila s’en est servi ici pour faire un blanc avec une très légère macération, donc presque un vin orange, et avec un taux d’acidité volatile assez présent sans être trop puissant. Cette acidité va donner du peps au vin et une énorme fraicheur.
C’est une cuvée qui a été produite à 600 exemplaires, le tout vinifié naturellement sans soufre.
Petite pepite!
Pour terminer, on va parler d’un gros canon à gouter au moins un fois dans sa vie, car c’est l’un des seuls, voir le seul, à vinifier de manière naturelle dans l’aire d’appellation Saint Emilion à Bordeaux, c’est le chateau Meylet.
Le domaine pratique la biodynamie et l’élaboration de vins natures depuis très longtemps, mais qui est, malheureusement pour lui, dans un aire d’appellation très cadenassée, très verrouillée. Malgré ça, le vigneron arrive à produire des cuvées sans soufre, dont celle-ci, la cuvée “Origine”, qui est une bombe de puissance, de tanins et malgré ça, de buvabilité.
Quand on fait gouter ça à des personnes habituées à boire du bordeaux, tout le monde reste sur les fesses.
Donc Château Meylet, cuvée Origine 2015, très gros pétard.
Merci beaucoup pour ton temps Lucas, tu veux ajouter quelque chose ?
Buvez moins mais buvez bon ! 🍷
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